L'esprit est-il un habitant du corps ?
L’esprit est un concept si
complexe qu’on en a trouvé des définitions plus ou moins différentes à travers
le temps et l’histoire de la philosophie. Sa complexité est encore existante de
nos jours puisque parfois même, l’on constate que l’on utilise plusieurs mots
pour parler d’une même chose. Personnellement, j’ai toujours perçu le terme
« esprit » comme le mot religieux pour parler de « la
conscience ».
Religieusement, l’esprit est vu, au même titre que le corps,
comme une création de Dieu. La seule différence étant qu’ils bénéficient tous
deux de statuts différents face au Créateur. En effet, l’esprit est religieusement l’être qui
emprunte un corps éphémère. Le corps, lui, n’est qu’accessoire : pure chaire périssable et voué à la finitude tandis que l’esprit est appelé à
la vie éternelle selon l’usage fait du corps sur Terre.
Mais cette vision de l’esprit doit
nécessairement être dépassée si l’on veut définir la chose concrètement. Je
disais plus haut que l’on utilisait parfois plusieurs termes différents pour
parler d’une même chose, et preuve en est : au fil du temps, on est passé de
l’âme à la conscience. Le terme « âme » ayant une connotation
plutôt religieuse et ayant beaucoup été utilisé dans la philosophie de
Descartes. De nos jours, on parle même d’ « intelligence ». Or,
le terme « conscience » est à mes yeux le plus approprié pour parler
de l’âme ou de l’esprit pour certains. « Conscience » est un terme
issu du latin « Con scientia » qui signifie plus précisément
« avec savoir ». Il en résulte qu’être esprit, c’est entretenir un
rapport de connaissance avec les choses. Autrement dit, avoir un retour sur ses
actes et sur ce qui se produit et existe dans l’environnement.
Si je préfère le terme conscience
à celui d’âme ou d’esprit, c’est tout simplement parce que comme Jean-Paul
Sartre, je pense qu’il y a un lien étroit entre l’esprit et le corps. Parler de
conscience, c’est prendre en compte le besoin de ce qu’on appelle
« esprit », de se développer dans un environnement. Cela revient à
dire que la conscience n’habite pas simplement le corps mais le fait exister,
parce qu’elle permet à l’être humain de savoir qu’il a un corps qu’il peut
utiliser. La conscience est ce qui fait que les choses sont ce qu’elles sont.
Aussi étrange que cela puisse paraître, il faut se demander ce que serait un
arbre si l’on ne lui avait pas donné ce nom, ou encore s’il n’y avait pas
d’homme pour le percevoir. Non pas que le monde n’existerait pas sans l’homme,
mais que sans l’homme, il n’aurait pas même un nom. Il n’existerait pour
personne, même pas lui-même car il est dénué d’esprit.
De la même façon, on peut se
demander ce que serait l’esprit en dehors de son corps : aurait-il quoique
ce soit à connaître ? C’est que la fonction du corps, est d’entretenir la
connexion entre le monde extérieur et l’esprit. Et c’est lorsque cette connexion est
assurée que l’esprit devient effectivement « conscience ».
C’est ainsi que je
définirais donc l’esprit : une conscience dénuée de corps. Et à l'inverse, la
conscience : un esprit disposant d’un corps le mettant en relation avec le
monde. Il n’existe certes aucun moyen de prouver que l’esprit est caché dans le corps
mais il sera toujours vrai qu’un être conscient est un être qui sait qu’il est
vivant et que le monde l’entoure. De sorte qu’être mort revient à être coupé de
la connexion nous reliant au monde par le corps : une mort cérébrale n’est
rien d’autre que cela.
Commentaires
Pour ma part, je n'ai de l'histoire de la philosophie que l' enseignement qu'on m'en a fait en terminale A (il y a 35 ans). Par contre les lumières des sciences ne m'ont jamais manquées, et il me semble qu'il n'y a pas d'équivoques au regard des connaissances acquises : L'esprit ( ou tout autre mot/concept qu'on mettra à sa place) est un produit du cerveau. La conscience "se forme" dans un cerveau vivant, et s'éteint quand le cerveau meurt. Notre propre mort nous la vivrons comme une perte de conscience (sans retour, hélas).
Nous percevons de nous-même, organisme vivant, ce qui est présent à notre conscience (nos sensations, nos pensées...) mais le reste de ce qui se passe dans notre corps nous l'ignorons parce que l' évolution ne nous a pas doté de la faculté de percevoir l'intégralité de ce qui se passe en nous. C'est pour cela que nous nous sentons comme un esprit qui se connait intimement dans un corps que nous ne connaissons que partiellement. Le conducteur d'une voiture moderne est mieux informé par son tableau de bord de l'état de son véhicule que nous ne le sommes de l'état de nos organes. Les mécanismes de l'évolution ne sont pas réfléchis et n'aboutiront jamais à des intelligences idéales et omniscientes dans des corps parfaits. Intelligence, esprit, conscience, oui mais avec les limites et les contingences biologiques, et qui ne sont pas apparus de rien dans le cerveau animal mais par une évolution de l' organisation du cerveau et de ses facultés sensorielles primitives.
Sans ambage, je suis rationnaliste, et les idées spiritualistes sont pour moi d'un autre temps. Les constatations et les mots de la biologie me semblent plus adéquats pour décrire le phénomène de la pensée que le language de la philosophie, à fortiori que ses discours multiples et anciens. J'appelle les philosophes contemporains à se nourrir intensément des connaissances acquises depuis le triomphe de la méthode scientifique, ce que n'aurait sans doute pas manqué de faire Aristote s'il l'avait pu.
Pourtant si je suis à écrire ce commentaire, c'est parce que je cherchais sur vos pages philosophiques les ferments nécessaires pour m'aider à progresser dans mes propres réflexions, trop peu philosophiques sans doute. Et ce commentaire prouve par son existence que vous m'avez fait réfléchir à la philosophie. Merci donc.