Deviens ce que tu es - 3 idées majeures de la pensée de Nietzsche.

I. Vouloir libère

Pour Nietzsche, l’affirmation de soi est primordiale dans la quête de la libération de l’individu. Ainsi, sa locution affirmant que « vouloir libère », renvoie à l’idée que le simple acte de vouloir, c’est-à-dire affirmer une intention ou un désir, constitue déjà une forme de libération. La volonté se présente donc sous le prisme de la philosophie de Nietzsche comme un moteur essentiel vers l’émancipation. Rappelons que pour Nietzsche, l’individu est naturellement bridé par les contraintes extérieures comme les conventions sociales, Dieu, la morale etc. La volonté qui s’affirme elle-même et n'est plus bridée par ces influences, Nietzsche l’appelle : « volonté de puissance active ». Selon lui, cet état est réellement atteint, lorsque la pensée “je dois”, se transforme en “je veux” : signe que nos actions sont désormais guidées par notre volonté et non plus nos contraintes.

                                                       Friedrich Nietzsche


II. Les convictions sont des prisons

L’idée que les convictions sont des prisons renvoie chez Nietzsche à une critique des croyances et des dogmes qui, selon l’auteur, restreignent la liberté de penser et d’agir. De la même manière que la prison enferme un corps, les convictions enferment l’esprit. Difficile de grandir intellectuellement lorsque l’on pense déjà détenir toutes les réponses. Quelle place laisse-t-on en effet à la réflexion si l’on se contente d’idées toutes faites ? Que vaut une idée si elle n’est jamais remise en question ? Dans le paradigme de Nietzsche, la critique des convictions vise notamment le cercle religieux, puisque le croyant incarne par excellence l’individu pleinement convaincu. L’individu, prisonnier de ses convictions devient victime d’une pensée rigide rendant impossible l’exploration d’autres perspectives : condition sin equa non de la libération de soi. Il en résulte une absence de liberté et même une véritable mort intellectuelle. Le serpent qui ne peut changer de peau meurt, et il en va de même pour les esprits que l’on empêche de changer d’opinion : ils cessent d’être esprits, dit Nietzsche.

III. Amor Fati

La locution latine Amor Fati, qui signifie « l’amour du destin », pourrait presque résumer la pensée de Nietzsche tout entière. L’expression renvoie en effet à l’idée qu’il faut aimer et accepter tout ce qu’il advient, tout ce qu’il se produit dans notre vie. N’opposer aucune résistance, ne pas se lamenter, ne pas haïr la vie, et en réalité : tout simplement ne pas se laisser mourir. Est réellement accompli, dit Nietzsche, l’homme qui, non content de simplement vivre, chérit sa vie dans tous ses aspects : les peines, les joies, les déceptions, les réjouissances, la santé, la maladie. Amor Fati revêt une dimension éminemment morale qui pourrait se résumer dans la question suivante : à quel point aimons-nous la vie ? Pour illustrer l’enjeu de la question, Nietzsche, dans son livre Le Gai Savoir pose un dilemme à son lecteur : celui de savoir quelle réponse il donnerait à un démon lui proposant de mourir immédiatement et de retourner au néant ou de revivre à l’infini sa vie actuelle au millimètre près. L’idéal moral absolu consiste pour Nietzsche à choisir de revivre la même vie éternellement, ce qu’il appelle l’éternel retour.

Commentaires

Anonyme a dit…
Merci pour cet article clair et synthétique qui permet d’aborder trois concepts fondamentaux de la pensée de Nietzsche! J’émets toutefois quelques réserves concernant sa conception de la liberté notamment lorsque vous expliquez que « la volonté qui s’affirme elle-même et n'est plus bridée par ces influences ». La volonté d’un individu peut-elle être autrement qu’influencée par des facteurs extérieurs ? Je suis plutôt d’avis, comme Spinoza, que notre volonté est entièrement déterminée par des causes extérieures, et qu’une vraie libération ne vient pas d’un simple acte de vouloir, mais d’une compréhension rationnelle de nos déterminations. Ce qui n’annulera évidemment pas l’influence de ces facteurs. Penser que vouloir est une forme de libération est une forme assez illusoire de libre arbitre ; nous ne sommes pas libres en tant qu’êtres volontaires, car notre volonté est toujours déterminée par des causes extérieures. Selon moi, le fait de dire « je veux » au lieu de « je dois » ne signifie donc pas une émancipation réelle, mais simplement une réorganisation subjective d’un déterminisme sous-jacent.

J’ai beaucoup apprécié l’analyse sur les convictions que je trouve juste mais avec toutefois une petite nuance. Pour moi, ce n’est pas la conviction en elle-même qui est un problème, mais la nature irrationnelle de certaines convictions qui peuvent être basées sur l’ignorance, sur la perpétuation de normes sans réellement y réfléchir ; de la reproduction bête et simple (d’ailleurs peut-on dire que nous avons réellement des convictions quand on ne fait que répéter aveuglément ce que l’on nous a transmis ?). Certaines convictions restent essentielles selon moi!

Ce fut un plaisir de relire un de vos articles, ils se faisant rares. En espérant que vous aurez l’inspiration pour en faire de nouveaux!

Bien à vous

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