Est-ce raisonnable d'aimer ?

   Le mot raisonnable a plusieurs sens. Lorsque l'on dit de quelqu'un qu'il est raisonnable, on entend exprimer le fait qu'il agit de façon sage, que ses décisions sont les bonnes. Ainsi, si l'on prend le mot raisonnable dans ce sens, on peut dire que le fait d'aimer, est raisonnable, étant donné que l'amour est un sentiment jugé positif. Seulement, on aurait à faire face à un problème qu'est le suivant : si l'amour est un sentiment, et si l'attitude raisonnable relève d'une décision, cela voudrait dire qu'un sentiment est l'objet d'un choix, ce qui est irrationnel. En effet, lorsque l'on ressent une douleur au bras, on ne choisit pas d'avoir mal au bras, le bras est touché, et on le ressent. Un sentiment n'est donc jamais volontaire. Donc, si l'amour est un sentiment, il doit être gratuit, comme une douleur. On ne choisirait alors pas d'aimer, mais on aimerait, contre son gré, tout simplement. L'enjeu de la question, est donc de comprendre qu'un sentiment n'est jamais volontaire, mais tout simplement vécu.
   L'amour n'est pas le respect. Le respect est affaire d'habitude et d'éducation, voir même d'effort : effort d'accepter l'autre. L'amour lui, est tout autre. Aimer l'autre, c'est vouloir se l'approprier, et ce, parfois même, au-delà de toute morale. Aussi, si le respect peut-être inculqué, ou simulé, l'amour lui, est aveugle et en quelque sorte : naturel. Respecter son prochain, c'est l'accepter dans sa différence, sans nécessairement l'aimer. Un esclave respecte son maître car on lui a appris que c'est son devoir, il accepte donc son maître sans l'aimer nécessairement. Il pourrait d'ailleurs,tout aussi bien cesser de le respecter et se révolter. De même un élève peut respecter son professeur sans forcément l'aimer, il peut même, au plus profond de lui, le haïr, tout en s'efforçant de le respecter. S'efforcer de respecter quelqu'un que l'on n'aime pas, c'est un acte raisonnable au premier sens du terme. Il est positif de s'efforcer à respecter celui que l'on n'aime pas car cela évite les situations conflictuelles. 
   Si donc, le sentiment n'est pas la volonté, que se passe-t-il si l'on aime de façon raisonnable? Aimer de façon raisonnable, reviendrait donc à aimer par intérêt, or, on ne parlerait dès lors plus d'amour, mais d'action intéressée. Ou si l'on veut, on ferait mine d'aimer quelqu'un car l'image de l'amour qu'on lui donne, provoque chez lui une attitude satisfaisante pour soi. Aimer n'invite en aucun cas à réfléchir car dans ce sentiment, on est dépassé. L'amour se présente alors comme au-delà de la raison : comme transcendance. Un homme n'aime une femme au sens pure et en même temps paradoxal, que parce qu'il ne peut s'expliquer ce sentiment par sa raison. S'il le pouvait, on noterait un paradoxe qu'est le suivant : si l'homme dit qu'il aime la femme pour ce qu'elle est, peu importe, ses qualités ou ses défauts, cela signifierait qu'en cas de changement de la femme, il ne l'aimerait plus. Autrement dit, il n'aimerait la femme que pour la satisfaction que lui procure son être, et non pour elle-même. On ne distinguera donc un homme amoureux d'un autre opportuniste que par l'absurdité de l'un et la rationalité de l'autre. 

Commentaires

SK a dit…
Comme le dit si bien Blaise Pascal « le cœur a ses raisons que la raison ignore » (même s’il n’était pas question d’amour dans ce contexte la), très beau texte
Johan B. a dit…
Exactement, et ce qu'on doit retenir c'est qu'aimer ne doit pour aucune raison que ce soit, devenir un acte de raison. Merci Sana !

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